Ultra-Trails du mois d’août (GRP, Échappée Belle, Picariège)

Plusieurs Petits Suisses Normands étaient engagés sur des ultra-trails cet année, et ils avaient choisi des parcours parmi les plus techniques que l’on trouve en France. 

Sur le GRP (Grand Raid des Pyrénées), Ghislain, notre P’tit Suisse pyrénéen, réalise une course exceptionnelle sur l’Ultra Tour 168 km (et 10700 mètres de dénivelé positif) pour prendre la 11ème place au scratch (sur 798) au scratch en 27h51. 

Jean-Christophe était quant à lui engagé sur l’Intégrale de 153 km (et 11500 mètres de dénivelé positif) de l’Échappée Belle, courue dans le massif (caillouteux) de Belledonne, entre Vizille et Aiguebelle. Pour lui aussi, c’est une énorme performance, avec la 29ème place au scratch (sur 660) en 32h31. 

Et pour finir, Estelle et Jérôme, étaient au départ de la PicAriège, un parcours ultra-technique de 70 km (et 7000 mètres de dénivelé positif), avec notamment 3 passages à plus de 3000 mètres. Ils n’ont malheureusement pas pu passer la barrière horaire au kilomètre 44 (après 22 heures de course), mais ont quand même bien profité des cailloux ariégeois…

 

Le compte-rendu de Jean-Christophe :

Voici un retour sur ma participation à l’Echappée Belle. Il m’aura fallu un peu de temps pour vous raconter cette aventure vue de l’intérieur, mais j’espère que vous éprouverez autant de plaisir à lire ces quelques lignes, que j’en ai eu à essayer de retranscrire les émotions vécues pendant cette magnifique épreuve ! Bien heureux soit elle aussi pour le choix du cadre très agréable du Château de Vizille qui sert de piste d’envol en direction des cimes.

C’est non sans un brin d’excitation et de joie que nous nous retrouvons tous sur cette ligne de départ, pour une belle aventure en montagne.

C’est parti ! Le rythme est tranquille, raisonnable jusqu’aux premières pentes. J’ai prévu de passer à Arselle (16,7 km et 1570m+), premier point de ravitaillement en 2h30. J’y suis en 2h23 même si ma montre s’est arrêtée dans la montée. Je la ferai repartir depuis ce point. Mon frère Bertrand qui m’accompagne et qui fera le Pacer dans une seconde partie est bien là : excité mais concentré. Bertrand m’a préparé ce dont j’ai besoin, je m’arrête aux toilettes. Je prends mon temps et je profite de la présence de Bertrand qui repart 500m avec moi avant de poursuivre ensuite vers le refuge de la Pra, qui se situe à 10km et 880m+ d’ici. Le sentier commence à se compliquer à l’approche du lac Robert. Et ensuite petit arrêt à la Pra. Je prends ma première soupe, ce ne sera pas la dernière ! Je mange aussi un peu solide : leur cake au ravitaillement est tout simplement délicieux ! Je suis concentré à essayer de m’alimenter et m’hydrater du mieux possible. Et ça repart, direction Refuge Jean Collet. Nous rentrons dans le domaine de la Roche et de l’eau : passer les lacs Doménons, le paysage devient minéral et le sentier déjà très rocailleux, se raidit à souhait ! Le sommet de La Croix de Belledonne et sa vue à 360 degrés, entre nuage et éclaircies est sublime ! C’est parti pour une très belle descente en direction de Jean Collet. Technique à souhait, je suis prudent, concentré. Arrivé au Refuge et ravitaillement de Jean Collet en compagnie de Julien, un copain de mon frère chez qui on loge depuis deux jours. Il est monté en quatrième vitesse les 400m de dénivelé depuis le parking car j’ai un peu d’avance sur mes prévisions… Il me rempli mes flasques, je m’hydrate bien : soupe et eau et toujours un peu de solide. Pour l’instant çà passe bien ! Grosse section en vue jusqu’au Pleynet : première base de vie.Direction la mine ! Enfin pas le bagne non plus… le Col de la Mine de Fer. C’est un très beau col, où les cailloux ne sont pas très bien rangés ! C’est un fait ! De l’autre côté du col, le paysage est grandiose, mais la raideur de la pente impose une attention de tous les instants. Les nuages disparaissent au sommet ! Cela enchaîne dans la grosse bosse en direction du col de l’Aigleton, puis, dans un second temps, du monstrueux col de la Vache. Le premier est une grimpette raide et très esthétique, mais sans difficulté technique. Après une petite transition en traversée suivie d’une descente toujours très rugueuse, voici le pied du Col de la Vache qui se profile. L’ambiance ici est très minérale mais le lieu est grandiose ! On se sent tellement petit dans un tel dédale de roches amoncelées, où le sentier se transforme régulièrement en jeux de marelle géant, dont le but est de progresser de rocher en rocher, sans tomber dans le vide qui les séparent ! Heureusement le pourcentage de la pente impose une vitesse faible permettant d’anticiper le prochain pas. J’arrive au sommet et je me lance tranquille dans la descente. Quelques coureurs me doublent au début de celle-ci. Je reste concentré et je n’y fais pas attention ! Elle est très longue et l’objectif est d’arriver en forme au Pleynet. Après une partie bien technique après le refuge des 7 Laux où j’avais dormi la de ma reconnaissance, on passe quelques montagnes russes puis voilà enfin la piste forestière descendante qui permet de courir un peu sur deux kilomètres vers la base de vie du Pleynet.

Je retrouve avec grand plaisir Bertrand qui me prépare mon ravitaillement mais dans en même temps se préparer pour courir avec moi la prochaine section jusqu’à Gleysin. J’ai faim ! C’est bon signe. Je mange le repas prévu par la base de vie pâtes bolognaise. Je prends soin de mes pieds : changement de chaussettes, t shirt. 21 minutes d’arrêt, c’est plus long que les autres concurrents (je suis 51ème à l’entrée du ravitaillement mais je ne le sais pas) mais cela me semble nécessaire ! C’est avec une bonne heure d’avance sur mon tableau de marche, que je ressors du ravitaillement du Pleynet avec mon frère jusqu’au Gleysin.

On descend tout en bas de la vallée (1000m) puis on recommence la grimpette. Nous sommes à cet endroit trois coureurs tous accompagnés de notre pacer. C’est la première fois que je vis cette expérience et je pense déjà à ce moment-là qu’elle sera incroyable ! Point d’eau du chalet de la Valloire, presque en haut de ma montée, Bertrand s’hydrate mais j’ai ce qui faut. S’ensuit une descente moins technique que les précédentes mais la vigilance est importante en ce début de nuit. On allume la frontale 30 minutes avant le Gleysin ravitaillement où Bertrand me laissera entamer la vraie nuit seule ! Toujours de la soupe, et me voilà reparti pour le juge de paix de cette deuxième moitié de course : le Col du Moretan. Il s’agit d’une ch’tite bosse de 1400m+ pour environ 6km. Le début de la montée se fait sur un sentier plutôt bien fréquenté, jusqu’à un chalet d’alpage, où, à partir de là, ça se corse : « enraidissement général » et perte chronique de trace du sentier. Autrement dit, Free Ride dans les pierriers. Le premier coup de barre semble pointer le bout de son nez (mais bon j’aurai signé que cela arrive qu’au bout de 17h de course). Je m’arrête 3 minutes à ce chalet pour mettre ma seconde couche pour la nuit (pour l’instant pas besoin de la veste mais elle n’est pas loin dans le sac). Mes forces ici, ce sont presque totalement évaporés, sous l’action de l’effort prolongé, du début de nuit et l’altitude. Bref ! Le Moretan, se transforme en chemin de croix, je ne m’arrête pas comme irrésistiblement attiré par les joyeux encouragements de la dizaine de bénévoles, spécialement installés tout là-haut, pour admirer ma douloureuse ascension ! Étant donné la petitesse de « la tribune », les places assises sont chères ici ! J’en profite pour reprendre mes esprits avant d’attaquer la vertigineuse descente qui suit. Un bénévole me dit de bien m’accrocher à la main courante spécialement mise pour la course. Le début de la descente est laborieux : après tout ce temps à pousser sur les cuisses en montée, il faut un moment d’adaptation aux muscles pour retrouver du répondant en mode excentrique. D’autant que la pente est très raide ici ! L’immense névé n’est plus là contrairement à la reconnaissance et c’est parti pour quelques petites chutes contrôlées malgré la main courante sur cette crête en forte pente, formée par une ancienne moraine. La chute ici peut s’avérer impardonnable, et se terminer 50 mètres plus bas dans les rochers ! Donc je descends tranquillement comme je l’avais prévu jusqu’à Périoule. Ravitaillement hors du temps à 0h30 dans une ambiance de discothèque ! Et là je mange la meilleure soupe de Belledonne (j’en prendrais 2) celle aux pois cassés. Je repars en sachant que la technicité est moins importante jusqu’à Super Collet. Je termine la descente et puis place à une montée bien raide mais pas technique jusqu’au refuge Pierre du Carre. Ensuite c’est sentier peu large alternant montée et descente jusqu’à Super Collet. Le passage électronique à Périoule n’a pas fonctionné mais Bertrand avait quand même déjà tout bien préparé (je l’avais prévenu que parfois le livetrail buggait). Il est 3h du matin. Changement de chaussettes, chaussures, ravitaillement soupe. J’hésite car je n’ai pas forcément sommeil mais je préfère prévenir que guérir. Je m’allonge 10 minutes sur un lit de camp. Je ne dors pas mais cela me sera bénéfique pour plus tard je pense. Bertrand, l’homme a tout faire, ravitailleur, mais surtout pacer sur la dernière partie va pouvoir de nouveau entrer en scène et m’accompagner sur le reste de la course. Moralement cela va rajouter une petite pépite de positif.

Arrêt d’une bonne vingtaine de minutes je pense, nous voilà reparti, en binôme, dans les pentes qui dominent la station. Direction, quelques pics et vallées plus loin, Val Pelouse, prochain ravitaillement. Partir en montée est plus facile pour Bertrand que lors de la section vers Gleyzin où le départ était en descente. Pas facile cette section notamment la partie descendante vers le fond de vallée de nuit avant la montée au refuge des Férices. Je fais le rythme dans celle-ci en étant le plus régulier possible. Bertrand est derrière moi. Je ne m’ends pas trop compte mais il souffre un peu. Un ravitaillmeent non officiel à ce refuge lui fait le plus grand bien. Après une interminable traversée bien casse pattes jusqu’au col Arpingon, on alterne ensuite entre raidillons et descentes techniques puis enfin nous plongeons vers le prochain ravitaillement : Val Pelouse. Je plie un de mes deux bâtons dans cette descente mais cela ne me perturbe pas. 4h30 sur cette section. Ravitaillement soupe et un peu de cake (toujours aussi bon). Un bénévole me remet à peu près droit mon bâton. Génial ! Il a pensé à bifurquer dans la section précédente mais maintenant Bertrand va mieux. Il me dit que c’est OK il va continuer avec moi jusqu’au bout. Il fait bien attention à s’hydrater et manger. C’est l’heure du petit déjeuner 8h. La nuit est terminée. Maintenant il faut terminer le travail pour les deux dernières sections supposées un peu plus roulantes ! Je continue ma remontée (35ème à ce moment là mais je ne cherche pas à connaître ma place). Je me concentre sur ma course et mes sensations.

Le dénivelé n’est pas terminé mais cette fois-ci par section de 500M montée et descente donc cela est moins répétitif. Passage au Col de la Perche : un bénévole me dit 31ème mais devant c’est à 20 minutes. Cela paraît énorme mais en fin d’ultra, il faut s’attendre à tout. Dernière petite bosse vers la Dent Chat et c’est parti pour de 1200 m de plongée vers le dernier ravitaillement.

Cette descente est plutôt roulante et peu technique, mais avec les kilomètres accumulés, c’est plutôt usant… le corps a l’air de bien encaisser le choc et les sensations restent bonnes. Bertrand me suit parfois un peu à distance mais il s’accroche.

Je compte faire un ravitaillement express, mais largement suffisant pour terminer les quatorze kilomètres restants jusqu’à l’arrivée. Mais coup de théâtre, neutralisation à cause d’un nid de frelons sur la fin de parcours. Cela nous permet de bien manger et boire mais combien de temps cela va durer ! Mystère. Au bout de 20 minutes, on nous dit qu’on peut repartir. Il nous rebadge (le temps sera décompté).

Après 2 kilomètres assez plats (qu’on n’a encore jamais eu !), ultime ascension de 500 mètres de D+. On perd un peu de terrain sur deux autres concurrents repartis juste devant nous au ravitaillement mais il faut gérer car ensuite 1000m de D-. On s’engage dans la dernière descente. L’euphorie de l’arrivée qui approche nous redonne des forces pour la faire au maximum de nos possibilités. On se fait doubler par les deux premiers du 93kms qui sont ensemble. Les kilomètres passent et voici les premières maisons sur les hauteurs du village d’arrivée. L’alternance de portions goudronnées courtes et de sentiers coupants entre deux lacets, ne fait que nous rapprocher du but encore plus vite. Bertrand repasse devant et fait le rythme jusqu’à la fin. Je m’accroche derrière lui ! Voici enfin la dernière ligne droite jusqu’à l’entrée du site d’arrivée de la course, à Aiguebelle.

32h29 minutes 40 secondes et 29ème place ! Eh oui, on a redoublé deux concurrents dans la dernière descente. Maintenant on profite de l’arrivée ! On sonne la cloche comme le veut la tradition. Bière offerte à l’arrivée, soin podologue et repas diots polenta bien mérité !

Cette expérience fraternelle, faite de partages, d’émotions et de dépassement restera inoubliable !