Grand Raid (La Réunion) – 17 au 20 octobre 2024
Trois Petits Suisses Normands étaient au départ de cette mythique épreuve : Jean Christophe sur la Diagonale des Fous (175 km / 10000 m de D+) ; Estelle et Jérôme sur le Trail de Bourbons (100 km / 6100 m de D+).
Jean-Christophe est contraint à l’abandon sur blessure au kilomètre 76 (Cilaos). Voir son compte-rendu ci-dessous. Estelle et Jérôme sont finishers d’une incroyable aventure de près de 38 heures (Estelle 908ème en 37h46 et Jérôme 915ème en 37h56 / le décalage de 10 minutes vient des vagues de départ différentes).
Compte-rendu de Jean-Christophe :
Au moment de prendre le départ ce jeudi 17 octobre à Saint Pierre, pour la première fois, je prends le départ d’une course avec une blessure pas totalement rétablie malheureusement. Cela aurait une autre course je n’aurai pas pris le départ dans ces conditions. Mais le fait de passer deux semaines de vacances en famille après la course et aussi le fait que cette course est mythique me font néanmoins prendre le départ avec seulement 50 km de course lors des deux derniers mois à cause d’une maudite aponévrosite plantaire qui me suit depuis la seconde semaine d’août. J’ai négligé lors de cette semaine d’août de faire attention à mes chaussures. Et j’ai dû faire à mon avis 3-4 séances avec un bout de semelles complètement arraché, plutôt à l’avant de la chaussure gauche. Ce vendredi 9 août, lors d’une sortie longue en Suisse Normande qui en plus se termine malheureusement avec une bonne portion de route (car je me suis un peu perdu), la douleur au talon gauche apparaît et elle est très aigue et présente à froid au réveil. Après deux semaines de repos total, je commence la rééducation chez le kiné (avec plein de petits exercices pour faire travailler davantage mon arche plantaire et mon long fléchisseur de l’allux) avec en parallèle une séance d’onde de chocs par semaine. De plus, on me conseille de reprendre progressivement la course à pied sur terrain en herbe en faisant des petites séances en alternant course et marche (par exemple 5 fois deux minutes de course, une minute de marche). Sur ces différentes séances, la douleur mais pas à un niveau aigu, est souvent présente et l’après séance est douloureux. Mais il faut passer par là. Fin septembre, je remets un peu de dénivelé mais vraiment progressivement. Je fais au cours de cette période trois séances de vélo par semaine pour compenser et faire travailler mes quadri. Début octobre, je sens néanmoins l’amélioration arrivée. J’arrive sur place le dimanche 13 octobre au matin après un vol de nuit. Une petite rando au Maido le lundi et il faut ensuite faire du jus, même si je ne ressens pas vraiment le besoin.
L’ambiance au départ est complètement dingue ! Des milliers de spectateurs sont présents pour le départ à 22h et également le long de la route jusqu’au kilomètre 6 ! Ce départ sur la route ce n’est vraiment pas bon pour mon talon… J’essaie au maximum de faire des touts petits pas pour solliciter le moins possible mais cette première portion bitumée réveille la douleur. S’ensuit une montée dans les champs de canne à sucre où malheureusement je sens la douleur même en marchant… J’essaie d’y penser le moins possible et me concentrer sur ma course, ma nutrition et hydratation, chose que je vais bien gérer sur cette course (je pense aussi que c’est facilité par le fait que je suis un peu en dessous de ma vitesse de croisière). Premier ravitaillement au kilomètre 14 (Domaine Vidot), je remplis mes flasques et mange une barre et 2-3 fruits au ravito. C’est parti pour la nouvelle portion jusqu’à Notre Dame de la Paix qui est censé limiter les bouchons… Je suis environ 450ème/3000 à ce moment là et déjà à quelques endroits dans le sentier ça coince… Cela énerve certain moi pas du tout car le classement ne m’intéresse pas ! Cette partie se fait de nuit sous un petit crachin et dans un petit brouillard (bon il paraît que ce n’est pas la partie la plus agréable à contempler du parcours de toute façon 😉). Deuxième ravitaillement au km 33, 4h50 de course je vois Michel une connaissance réunionnaise et je lui dis que ça ne va pas le faire ! J’ai comme objectif Cilaos à ce moment là première base de vie ! Je mange néanmoins correctement et repart. Il y a quelques parties de course sur la route qui me font horriblement mal (j’essaie de marcher sur ces portions mais c’est pareil donc je décide de courir quitte à avoir mal, cela passera plus rapidement !).
Les premières lueurs du jour apparaissent au niveau du Nez de Bœuf et là j’oublie un peu la douleur même si elle présente en contemplant ces magnifiques lueurs puis le lever de soleil ! A Mare à Boue (après 5 kilomètres roulants), premier gros ravitaillement et cela passe très bien et avec plaisir avec un peu de rougail saucisses et deux bols de soupes. On est au kilomètre 55 (2700m D+ / 1000m D- 8h15 de course). Cette partie est la première partie de la course. Je suis un peu surpris des nombreuses portions bitumées à mon grand désespoir pour mon talon et d’une technicité peu importante par rapport à la suite de la course. Je repars en petite foulée et j’enlève ma veste un peu mouillée et remets mon t-shirt que j’avais au départ. Il sèche en trois minutes, la chaleur arrive et il est 6h30 ! Nous montons dans un petit chemin peu pentu mais très technique avec de la boue en veux-tu en voilà ! Je comprends mieux le nom du village d’avant Mare à Boue ! Pratiquement impossible de courir, on est en file indienne et on avance tranquillement en montant tranquillement dans un sentier si on peut appeler cela un sentier ! Comme le disent les coureurs, la Diag commence à Mare à Boue ! Je comprends mieux cette phrase maintenant.
Et franchement à ce moment-là je suis un peu plus optimiste, je me dis que j’avance même si j’ai quand même vraiment mal. Mais sur ce sentier il faut être très concentré et je pense moins à mon talon. 2h10’ pour 9 km et 600m de D+ 100D- pas impressionnant, mais même sans blessure cela aurait été compliqué de faire mieux ! On arrive ensuite à Coteau Kervegen et on passe au point le plus haut de la course 2500m d’altitude tout près du gîte du Piton des Neiges. Sur cette dernière portion de montée beaucoup plus raide, je double des coureurs à ma grande surprise car je n’accélère pas 😉 qui me semblent déjà très fatigués et moi je suis mis à part mon talon, je me sens bien ! Commence la véritable première descente de la course « le Bloc » 1400D- jusqu’à Cilaos. Cette première partie est technique, j’essaie le moins possible de retomber sur mon talon gauche mais pas évident vu le sentier. Je glisse souvent et tombe même deux fois ! La deuxième fois, je m’ouvre un peu le genou mais surtout à l’intérieur de la main ! Çà pisse à fond. Je lave avec de l’eau et je comprime à fond avec un mouchoir. Je n’avais pas besoin de cela ! Descente vraiment compliquée vu mon état physique et je me dis que cela sera sans doute pire dans Mafate ensuite !!! Est-ce raisonnable ? Petite remontée dans un petit bois (Plateau des Chênes puis 2 kilomètres vers la base de vie sur la route et là c’est vraiment horrible, des coups de couteaux à chaque foulée !).
Même si l’abandon commence à faire son chemin, je me change et je me ravitaille avant d’aller voir le corps médical. C’est incroyable : je vois un podologue, deux kinés et pour finir un médecin. Tout est fait pour faciliter ou préserver plutôt l’état physique des coureurs. On me fait un strapping. On soigne mes ampoules même si je leur dis que ce n’est pas la priorité ! Et pour finir, verdict du médecin. Il me questionne si je pense pouvoir repartir. Je lui retourne la question. Il me demande de me lever et deux faire trois sauts sur place. Je lui ai dit que je ne peux pas ! Il me dit alors que c’est terminé et prend mon dossard ! En effet, il n’y a pas de possibilité d’abandon dans Mafate (60 km) ou plutôt disons pas de rapatriement possible (sauf blessure très grave en hélicoptère). C’est sûrement une sage décision même si c’est la première fois que cela m’arrive d’abandonner. La tête voulait continuer mais le corps en a décidé autrement !
Cela restera malgré une course riche d’enseignements et aussi qui sait peut-être une expérience pour une nouvelle tentative dans quelques années ! La première semaine d’après course, comme prévu plage et repos. J’ai pu lors de la deuxième semaine faire le volcan Piton de la Fournaise avec ma femme et mes filles et ensuite une randonnée de 4 jours en itinérance dans le cirque de Mafate (que je n’avais pas pu découvrir pendant la course !). Superbe, grandiose, un terrain technique varié, beaucoup de marches. Même en randonnée, j’ai eu mal lors de ces randonnées ! De retour en métropole, place au repos et à la rééducation afin de pouvoir être prêt en 2025 maintenant pour de nouvelles aventures sans douleur !